mardi 28 juillet 2009

L'avenir du Journal de Montréal


L’avenir du Journal de Montréal, le légendaire No.1, est pour le moins embrouillé!
L’actuel conflit de travail et le lock-out décrété par la direction font en sorte que le journal continue d’être publié par les cadres d’une part, et que d’autre part, les employés syndiqués reçoivent 76,2 % de leur salaire net grâce à leur fonds de grève. Ils peuvent tenir le coup financièrement pendant plus de 2 ans, selon le président du syndicat, Raynald Leblanc.
La négociation syndicale est l'art de gérer les personnalités et l'on peut comparer cette action au sport du golf où la personnalité individuelle de chacun joue un rôle significatif et déterminant sur le résultat final. (Tiger Wood a déja dit que le golf est un miroir de l'âme du joueur et que son reflet est sans pitié...)
Selon moi, le meilleur négociateur que le monde des médias québécois ait connu fut l’ex-Premier ministre canadien Brian Mulroney, qui était avocat en relations de travail avant de devenir politicien et Premier ministre. Son premier mandat fut avec Paul Desmarais Sr. qui était enthousiasmé par le dynamisme et l’intelligence de Brian Mulroney. Brian travailla aussi pour le compte de Pierre Péladeau lors de la négociation de la première convention collective du Journal de Montréal à la fin des années 1960. Péladeau et Mulroney devinrent par la suite des amis et ils le restèrent jusqu’à la mort du fondateur de Quebecor en 1998.
J’ai eu l’occasion de côtoyer un ancien directeur du journal Le Nouvelliste de Trois-Rivières (GESCA), aujourd’hui décédé, Charles D’amour. Ce dernier, après sa retraite du Nouvelliste, s’était vu confier le mandat en 1984, par un groupe de Moncton, de lancer un nouveau quotidien pour remplacer l’Évangéline. C’est dans ce dossier que j’ai bien connu Charles D’Amour. Un jour, il me raconta l’anecdote suivante qui démontre bien le talent exceptionnel de négociateur de Mulroney.
Brian Mulroney devait régler un conflit de travail entre Power Corp et le syndicat du Nouvelliste. La veille de la première rencontre entre les deux parties, Brian téléphona au représentant syndical sous prétexte de lui demander s’il pouvait voyager dans sa voiture, de Montréal jusqu’à Trois-Rivières, afin d’économiser l’essence d’une des deux voitures…
Le plan étant cependant plus calculé. Mulroney voulait mieux connaître le représentant syndical et discuter avec lui de ses demandes. La discussion fut très fructueuse car une fois arrivé à Trois-Rivières, les deux voyageurs s’étaient entendus sur tous les points tant et si bien que lorsque Brian est entré dans le bureau de l’éditeur (Charles D’Amour), qui s’attendait à une dure négociation, il lui présenta une convention prête à être signée, le conflit s’étant réglé durant le trajet d’une heure et demie entre Montréal et Trois-Rivières.
Selon Brian Mulroney, tout bon négociateur doit d’abord analyser la personnalité des deux adversaires se faisant face (comme au golf). Qui est le représentant syndical et quelle sorte de personnalité a-t-il? On fait le même exercice avec le dirigeant patronal et on essaie de trouver des points communs afin d’ouvrir le dialogue et obtenir des engagements. Uniquement après avoir analysé les personnages, peut-on s’attaquer au dossier comme tel, qui finalement est moins important que le côté humain des personnalités impliqués.
Dans le cas du Journal de Montréal, il est évident que Pierre-Karl Péladeau et Raynald Leblanc (président du syndicat des employés) n’ont aucun point en commun, ni sympathie réciproque. Pierre-Karl est un prédateur habitué au rude milieu des affaires tandis que Raynald est un photographe entraîné, de par sa nature, à être gentil avec les sujets qu’il doit photographier. Je connais bien Raynald LeBlanc et j’ai déjà travaillé avec lui alors qu’il fut le photographe pour une édition du rapport annuel de Quebecor dont j’étais le responsable. C’est un très bon gars mais il n’a pas l’étoffe pour croiser le fer avec les chevaliers de la finance.
Les précédents conflits au sein du Journal de Montréal ont toujours été réglés parce que le dialogue s’établissait entre des interlocuteurs égaux au niveau des personnalités, des bagarreurs de rue des deux côtés de la table de négociation! (Les actions étaient beaucoup plus rudes que de simplement entrer dire bonjour dans les locaux de l’entreprise en lock-out…)
Il est probable que le conflit au Journal de Montréal va durer longtemps et qu’en bout de ligne, Quebecor fusionnera l’essentiel du Journal pour le rapprocher du monde Internet et de Vidéotron. Une fusion avec le quotidien 24H ne serait pas illogique.
Si j’étais le président du syndicat, j’essaierais de convaincre Brian Mulroney, ou un autre de son niveau, de me servir de partenaire et de négociateur. C’est la seule chance de survie des employés.
Ce négociateur découvrira que les employés ont une carte (un as de coeur) dans leur jeu qui peut convaincre Pierre-Karl qu’il y a une valeur caché au sein de l’arsenal du syndicat et que, s’il ne la récupère pas rapidement, d’autres pourraient s’en emparer pour faire comme son père Pierre avait fait lors de la grève du Montréal Matin et créer un nouvel empire. Cette valeur cachée c’est le site Internet Rue Frontenac et son équipe.
Si un investisseur, ennemi de Pierre-Karl ou voulant simplement faire compétition à Quebecor, s’en emparait, il pourrait en faire un véritable leader de l’information. Actuellement, avec très peu de moyen, Rue Frontenac est devenu un site Internet de nouvelles à Montréal, autant apprécié et respecté que les autres sites que ce sont Cyberpresse, Le Devoir ou Canoë.
Bonne chance aux employés et que le meilleur gagne!
Bernard Bujold http://www.lestudio1.com/
Photo 1: Le Journal de Montréal, Pierre Péladeau,Pierre-Karl Péladeau, Brian Mulroney et Raynald Leblanc;
Photo 2: Pierre Péladeau au golf

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