Le débat de l’heure au Québec, en plus du hockey, est la petite station de télévision TQS, laquelle est en faillite technique pour plus ou moins 36 millions$ de dettes. (On évalue le déficit accumulée à 71 millions$)
Les politiciens sont montés aux barricades en criant à l’indignation et en déclarant que l’annulation des bulletins quotidiens de nouvelles, tel que proposé par Remstar, le repreneur de la créance, n’a aucun sens. Ils ont entièrement raison et, en plus, ils ont la solution entre les mains!
"Fusionner les bureaux de TQS en région avec ceux de Télé-Québec et repatrier les journalistes au sein de leur organisation."
En faisant cela, il accompliront plusieurs objectifs: une information en région, un sauvetage des emplois et un usage plus économique des actifs de l’État. Ce plan n’est pas nouveau et déjà depuis longtemps on s’interroge sur une meilleure utilisation des équipements de Télé-Québec. Je me souviens même qu’à l’époque de l’achat de TQS par Pierre Péladeau, nous avions commencé à négocier pour le rachat des équipements de Télé-Québec et l’intégration avec TQS. En échange, nous aurions assumé la diffusion de la programmation de la station d’état québécoise. La discussion n'avait pas été concluante mais récemment, en 2005, un rapport d'étude recommendait à nouveau ce genre d'action au gouvernement québécois. Guy Fournier était l'un des membres de ce comité spécial. (Voir Rapport: Télé-Québec Priorité à l'écran)
Il est évident que le groupe Remstar n’est pas dans un rôle social. On ne peut pas leur reprocher de vouloir faire des profits. Remstar cherche une aubaine et de racheter un réseau de télévision à 20 cents dans le dollar est une belle économie mais entièrement dans les normes pour une entreprise en faillite. La portion payée est parfois moindre!
Pierre Péladeau considérait lui aussi avoir fait un bon achat, le 11 avril 1997, le jour même de son anniversaire de naissance, alors qu’il apprenait l'acceptation de son offre d'achat de TQS. (J'étais en sa compagnie dans son bureau lorsqu'il avait reçu l'appel téléphonique de confirmation.) Il n’avait payé que quelques dizaines de millions pour la station (24 millions$ plus 9 millions$ en fonds de roulement). Il se disait qu’il obtenait un joueur de petite taille, mais qu'il pourrait en faire une présence vivante à Montréal. Il en avait les moyens financiers mais surtout, il possédait Le Journal de Montréal et une brochette de magazines populaires. Officiellement, il ne devait pas y avoir de convergence mais Pierre Péladeau ne s’inquiétait pas outre mesure de ce règlement…
De plus, contrairement à Remstar, Péladeau avait des partenaires indépendants qui connaissaient la télévision. (Voir Biographie Pierre Péladeau cet inconnu)
D'ailleurs, c'est justement Jean-Luc Mongrain qui avait convaincu Péladeau de soumettre une offre d'achat à titre de financier. Jean-Luc devait être un des partenaires mais il avait décidé de se retirer afin de pouvoir offrir ses services comme producteur privé à TQS. Péladeau avait continué avec Cogeco, Radio-Nord, Cancom, Radio-Saguenay et quelques autres partenaires minoritaires.
S’il avait pu mettre la main sur les équipements de Télé-Québec, il aurait joué doublement gagnant… pour pas cher!
Péladeau voulait aussi créer ses vedettes plutôt que d’embaucher des animateurs dispendieux. (C’était l’époque où TVA avait convaincu Simon Durivage de quitter Radio-Canada en échange d’un contrat important) Péladeau ne voulait pas embarquer dans le jeu de la surenchère. Il voulait engager des jeunes et leur donner la chance de se développer. Une sorte de télévision communautaire mais avec des moyens. Le modèle d'affaire était celui de CityTV à Toronto (Musique Plus) dont le fondateur est Moses Znaimer. (Voir son site Internet personnel)
Malheureusement, Pierre Péladeau est décédé quelques mois seulement après la prise de possession officielle de la station et alors qu'il ne faisait que de débuter sa réflexion sur les orientations précises qu'il voulait donner à son nouveau jouet.
Il est toujours triste de voir une histoire d’amour se terminer. TQS était un "mouton noir" parfois drôle et sympathique avec des Jean-Luc Mongrain comme figure de proue mais, l'entreprise était blessée. Tout comme Jean-Luc Mongrain, j'aime moi aussi le monde des chevaux. Je ferai donc la comparaison suivante: «Lorsque sa monture a la jambe cassée, il faut éviter de faire preuve de sentiment et soulager sa bête, en l’envoyant à l’abattoir. Il faut ensuite s'empresser de se trouver un autre cheval pour continuer…»
Photos: En haut: l'éditeur Bernard Bujold et les deux mascottes de www.LeStudio1.com;
En bas: Pierre Péladeau, Guy Fournier et Jean-Luc Mongrain